«Du spectateur au joueur» — comment les nouvelles écritures réinventent la place du public jeune?
À l’ère du numérique ubiquitaire, la place du spectateur au théâtre est en pleine transformation.
Les nouvelles formes — immersives, interactives, participatives, parfois hybrides avec le jeu vidéo ou la XR — déplacent les cadres traditionnels de la réception. Du spectateur assis à celui qui agit, joue, répond, influence, le théâtre explore aujourd’hui des formats où la frontière entre scène et salle devient poreuse.
Cette mutation n’est pas qu’esthétique. Elle interroge en profondeur notre rapport à la présence, à la participation et à l’attention. Comme le note Fred Deslias, la scène est désormais en concurrence avec une performativité permanente, celle des réseaux sociaux, des environnements numériques où chacun est déjà acteur de soi-même.
Dans ce paysage, les adolescents et les jeunes publics occupent une place cruciale. Nés dans un univers numérique, leur rapport aux écrans, à l’attention fragmentée, à la narration éclatée est déjà constitué. Ils sont les premiers spectateurs-joueurs. Mais comment leur offrir, à travers le théâtre, des espaces de recul, de décodage, d’émancipation ?
Quels outils donner aux jeunes pour décrypter les codes technologiques qui les entourent ?
Comment le théâtre peut-il redevenir un espace d’éducation aux médias et de développement du regard critique ?
Quelles formes inventer pour capter l’attention de ce public sans céder à la logique de la captation algorithmique ?
Ces questions touchent aussi à la santé mentale et cognitive des jeunes, à leur rapport au corps, à l’image, à la présence à soi et aux autres. Le théâtre, en tant qu’art du vivant, peut-il être un lieu de réparation ou de régulation face à l’excès de virtualité ? Peut-il offrir un contrepoids sensible à un monde saturé de stimuli ?
Enfin, ces nouvelles écritures posent une question politique : ainsi que le dit le chercheur et curateur Franck Bauchard, « Il ne s’agit plus de s’adresser à 1000 personnes, mais à 1000 fois une personne ». Dès lors, quel nouveau contrat inventer entre les artistes et leur public, entre la scène et ces jeunes spectateurs de demain, à la fois critiques, joueurs et créateurs ?
Avec Pauline Sales, metteure-en-scène, autrice et actrice; Sébastien Genvo, professeur et game designer, Pauline Collet, metteure-en-scène, autrice ; autres intervenants en cours. Animation Laurent di Filippo, maitre de conférences en Sciences de l’information et de la communication à l’Université de Lorraine.
Pauline Collet
biographie
Pauline aime raconter des histoires.
Elle écrit — sa dernière écriture, LOLA ET ALICE, a été publiée dans Les Cahiers Luxembourgeois et son spectacle MENTEZ MOI est en tournée cette saison. Membre du collectif d’auteurices Le Gueuloir, elle écrit majoritairement pour le public adolescent. Depuis quelques mois, elle mène des expérimentations de création partagée avec des jeunes via les médiums numériques, dans le cadre du projet européen FORESTEEN (qui aboutira à une création en 2028).
Elle met en scène – à travers les spectacles de la Compagnie 22 qu’elle fonde en 2015, mais également pour le Théâtre Ouvert du Luxembourg, le collectif Bombyx, etc.
Elle joue – Récemment dans Leurs enfants après eux, adaptation du roman de Nicolas Mathieu par Carole Lorang (théâtre) ou Sage homme de Jennifer Devoldère (cinéma). Elle est membre du collectif d’acteurices Actors.lu. Fun fact, elle chante et écrit pour le groupe drama pop Cachou qui sera en résidence deux mois à la Maison Robert Schuman cette saison.
Sébastien Genvo
biographie
Sébastien Genvo est professeur à l’université de Lorraine et rattaché au Centre de recherche sur les médiations. Game designer chez Ubi Soft en 2001 – 2002, il a soutenu la première thèse (2006) en France sur les jeux vidéo. Ses travaux portent sur les enjeux artistiques et culturels du domaine, en développant notamment la notion de jeux expressifs. Dans ce cadre, il mène des activités de recherche – création ayant abouti au développement de deux jeux indépendants, Keys of a gamespace (2011) et Lie in my heart (2019). Il est responsable de l’Expressive gamelab, plateforme d’analyse et de création vidéoludique, et de la deuxième année du parcours de master Conception de dispositifs ludiques (UFR SHS-Metz).
Pauline Sales
biographie
Pauline Sales est comédienne, metteuse en scène et autrice de plus d’une trentaine de pièces, éditées principalement aux Solitaires Intempestifs. Elle a dirigé avec Vincent Garanger le Préau, Centre Dramatique National de Normandie à Vire de 2009 à 2018. Aujourd’hui, elle continue sa démarche d’écrivaine et de metteuse en scène dans le cadre de la compagnie À L’ENVI.
Laurent di Filippo
biographie
est docteur en sciences de l’information et de la communication et en études scandinaves. Il est actuellement Maître de conférences en Sciences de l’information et de la communication à l’Université de Lorraine.
Ses recherches portent sur les phénomènes culturels et leurs dynamiques à travers l’étude des processus de transmission, de manifestation et d’appropriation des récits médiévaux scandinaves, qu’on appelle couramment les « mythes nordiques », jusqu’à leur usages dans les médias contemporains, notamment les jeux de différentes sortes. Il s’intéresse également aux questions relatives aux manières de penser les relations entre médias et particulièrement à la transmédialité, à l’interdisciplinarité et aux rapports entre jeux et religion.
